Maître Rougier
Avocat à Paris 7

Les moyens de preuve en droit du travail: un enregistrement clandestin est-il recevable ?


La preuve... à tout prix !

Engager une action prud’hommale n’est pas neutre, il faut en mesurer les risques et apprécier ses chances de succès. 

Même si la règle de droit est en sa faveur, gagner un procès est aussi une affaire de preuve. 

Le droit ne suffit pas, il faut en avoir la preuve !

« Il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention. » (Art. 9 du code de procédure civile).

Foxlo Avocat droit du travail a paris

Chacun doit ainsi présenter ses preuves au juge qui les appréciera.

La preuve par tout moyen

La preuve en droit du travail et en droit de la sécurité sociale se fait par tout moyen, bien sûr par l’écrit (échanges, courriers, documents, etc ..) mais qu’en est-il d’un enregistrement audio ou vidéo obtenu à l’insu de son adversaire ?

Déloyauté ou illicéité de la preuve

Le juge est très attaché au principe de loyauté dans l’administration de la preuve. En effet, s’il s’agit de tenir compte des difficultés probatoires auxquelles peuvent être confrontés salariés comme employeurs pour établir leurs prétentions, il faut également garantir l’éthique du débat judiciaire.

 

En 2011 la Cour de cassation considérait ainsi que le juge ne pouvait tenir compte d’une preuve obtenue de manière déloyale, c’est à dire recueillie à l’insu d’une personne, grâce à une manœuvre ou à un stratagème (Ass. Plén. 7 janv. 2011, pourvoi n°09-14.667). 

 

Il en résultait que, par exemple, les enregistrements audio ou vidéo ainsi obtenus et permettant d’établir la teneur de paroles prononcées étaient purement et simplement écartés du débat judiciaire.

La recevabilité de la preuve au cœur du succès judiciaire

Faire émerger sa vérité peut se révéler délicat dans un débat judiciaire, d’autant que tout ne relève pas de l’écrit, mais de propos tenus par exemple ou de circonstances qu’il faut établir. La preuve peut jouer en faveur ou au détriment de l’une ou l’autre des parties. 

La recevabilité de la preuve est donc être déterminante.

L’évolution positive de la jurisprudence : si la preuve est obtenue de façon déloyale ou illicite, elle doit être indispensable et proportionnelle au but poursuivi.

Par un arrêt du 22 décembre 2023, la jurisprudence de la Cour de cassation a évolué ; désormais, salariés ou employeurs peuvent utiliser sous certaines conditions strictes, une preuve obtenue de manière déloyale ou illicite pour faire valoir leurs prétentions. Le juge doit apprécier si une telle preuve porte atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble en mettant en balance le droit à la preuve et les droits antinomiques en présence : le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits mais à condition que cette production soit indispensable à son exercice et que l’atteinte soit strictement proportionnelle au but poursuivi.

Deux conditions doivent donc être remplies :

  • La preuve obtenue de façon déloyale doit être indispensable
  • Et proportionnelle au but poursuivi.

Il doit y avoir un équilibre entre le droit à la preuve et l’atteinte aux droits et libertés fondamentaux avec lesquels elle entre en conflit.

Quelques exemples de preuves recevables :

  • L’enregistrement des propos d’un salarié à son insu et établissant sa faute grave est recevable étant indispensable au succès de la prétention de l’employeur (Cass. Ass. Plén. 22 déc. 2023)
  • Un enregistrement clandestin d’une réunion avec l’employeur dans l’objectif d’établir le harcèlement subi par le salarié a été écarté, dans la mesure où le salarié disposait d’autres preuves (Cass. Soc. 17 janv. 2024 n°22-17.474).
  • La production par l’employeur de données personnelles sur une salariée issues d’un système illicite de vidéosurveillance est recevable, même si la salariée dispose d’un droit au respect de sa vie privée, l’employeur dispose quant à lui d’un droit au bon fonctionnement de l’entreprise (Cass. Soc. 14 fév. 2024 n°22-23.073).
     
  • L’enregistrement clandestin limité à la séquence des violences commises par l’employeur sur le salarié est recevable, comme permettant d’établir la faute inexcusable de l’entreprise dans le cadre de l’accident du travail subi par le salarié (Cass. Civ. 6 juin 2024 n°22-11.736).

En pratique :

Dans certaines situations professionnelles où la preuve est difficile, telles que le harcèlement, des propos tenus influant sur les engagements contractuels salariés/employeurs (promesse de bonus, menaces, faute inexcusable etc ..) ou en cas de circonstances particulières à établir (documents couverts par la confidentialité, etc ..), la preuve obtenue par un stratagème ou au détriment des droits ou libertés de l’autre partie, est dorénavant possible et est un atout.

FOXLO Avocat – Isabelle ROUGIER vous accompagne dans le cadre de vos actions devant le conseil de prud’hommes notamment et déterminons avec vous les moyens de faire aboutir votre dossier.


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