Maître Rougier
Avocat à Paris 7

Gérer son départ à la retraite : acte volontaire ou dicté par l'entreprise ? - Le 12 mai 2021


Si l'âge de départ à la retraite sonne avec l'acquisition de l'ensemble des droits pour une retraite à taux plein, il ne coïncide pas forcément avec les aspirations tant professionnelles que personnelles du salarié, ni même avec sa situation financière.

Le départ à la retraite doit rester, sur le plan juridique comme sur le plan humain, une initiative personnelle, un acte consenti voire préparé.

Selon le code du travail, "Sont nulles toutes stipulations d'une convention ou d'un accord collectif de travail et d'un contrat de travail prévoyant une rupture de plein droit du contrat de travail d'un salarié en raison de son âge ou du fait qu'il serait en droit de bénéficier d'une pension de vieillesse." (Article L.1237-4 al.2 du Code du travail).

Selon la jurisprudence, le départ à la retraite doit résulter d'une volonté claire et non-équivoque du salarié (Cass. Soc. 15 Mai 2013, N°11-26.784, Cass. Soc. 20 Oct. 2015 N°14-17.473).

C’est ainsi au salarié de choisir l’âge et la date à laquelle il veut partir à la retraite, c'est une liberté fondamentale, rempart à tout départ contraint en raison de l'âge. 

La décision du salarié ne devrait donc pas être dictée par l'entreprise.Force est de constater que, dans la réalité, le salarié peut être poussé dehors parce qu'il a l'âge et a acquis les conditions pour partir à la retraite. Par exemple, peuvent être des faits déclencheurs du départ du salarié sans que celui-ci le souhaite :

  • la mise en œuvre d'une réorganisation par l'employeur aboutissant à la disparition du poste du salarié en âge de partir à la retraite 
  • l'effritement de ses responsabilités au profit d'autres salariés plus jeunes dont les missions sont ainsi parallèlement étoffées,  
  • la gestion de la pyramide des âges impliquant de s'effacer au profit de la gestion de carrière d'autres salariés, 
  • ou simplement la recherche par l'entreprise d'une économie de coûts.

Ce type de circonstances peut engendrer un conflit entre le salarié et l'entreprise s'il n'y a pas un accord réciproque sur le timing du départ du salarié à la retraite.Tout va bien lorsque le choix du salarié rencontre les projections de l'entreprise, tout va mal lorsque l'entreprise entend dicter son propre calendrier.

  • En cas de conflit, le salarié peut s'appuyer sur les principes de droit suivants :

La principe de non-discrimination en raison de l'âge

Selon le Code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation etc ... en raison de son âge.

 

Autrement dit, toute décision de l'employeur (embauche, promotion, sanctions, mutation, licenciement, formation, modification/suppression de poste ...) doit être prise en fonction de critères professionnels et non sur des considérations d'ordre personnel fondées sur des éléments extérieurs au travail tels que l'âge.
 
Par exemple, l'entreprise ne peut pas capitaliser sur le départ spontané du salarié à la retraite en raison de son âge, pour gérer la suppression de son poste et éviter d'engager une procédure de licenciement pour motif économique qui serait plus avantageuse pour le salarié qui souhaite continuer à travailler, mais coûteuse pour l'entreprise.
 
La preuve de la discrimination subie par le salarié ne repose pas à proprement parler sur le salarié. 

 

Il doit présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte.

 

Et au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que sa décision est au contraire justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

 

L'enjeu pour l'employeur est une sanction pénale, pour le salarié la nullité de la décision de l'entreprise et l'octroi de dommages et intérêts.

L'interdiction d'agissements de harcèlement

Selon le code du travail, le harcèlement moral se matérialise par des actions répétées ayant pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte aux droits du salarié, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou

de compromettre son avenir professionnel.

Le harcèlement est bien souvent sournois et peut être d'origine variée, notamment venir de la politique RH de l'entreprise ou du management direct voire de collègues de travail. Il a, en l'occurrence, pour objectif de déclencher le départ du salarié. Il peut se manifester par :

  • une mise à l'écart, un isolement
  • un effritement des responsabilités, les missions étant confiées à d'autres salariés
  • une mise en cause soudaine des compétences, des résultats
  • la suppression soudaine d'une prime habituelle
  • des propos déplacés sur l'âge atteint ou des insinuations sur la santé.

Il en résulte une dégradation des conditions de travail et bien souvent une détérioration de la santé du salarié, à tel point que celui-ci finit par se poser la question de son départ.  La charge de la preuve d'un harcèlement moral ne pèse pas particulièrement sur le salarié.  Le juge examine l'ensemble des éléments invoqués par celui-ci, apprécie si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.L'enjeu pour l'entreprise est une sanction pénale, pour le salarié la nullité de la décision de l'entreprise et l'octroi de dommages et intérêts.

Alors comment réagir ?

Face à une décision de l'entreprise fondée sur l'âge de partir à la retraite, mieux vaut réagir vite et en amont.Trouver une solution par la négociation est évidemment opportune et le cabinet FOXLO Avocat saura vous aider dans cet objectif.En cas de conflit persistant ou de divergences de vue, la situation peut s'envenimer et il faut savoir trouver les arguments pour se défendre. FOXLO Avocat saura construire votre défense. La jurisprudence aborde une telle situation de façon adaptée pour faire respecter le principe de la liberté du départ à la retraite,

  • soit la décision de l'employeur est annulée,
  • soit la décision prise par le salarié sous la contrainte est requalifiée.

Dans les deux cas, le préjudice du salarié est indemnisé.Reste à trouver le meilleur traitement social et fiscal de cette indemnisation. FOXLO Avocat saura vous conseiller.


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